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Donner la parole à l'enfant intérieur

Donner la parole à l'enfant intérieur

 "Toute mon enfance se déroula ainsi dans le silence, l'anorexie, les cauchemars qui me tinrent éveillée les yeux rivés sur une veilleuse, un doudou à l'effigie de Simplet, le dernier des sept nains de Blanche Neige, dans le creux de mes petits bras qui ne me quitte pas et dont je connais l'odeur des moindres recoins, suçant le pompon de son capuchon jusqu'à la trame dont il ne reste que la ficelle. Il finit par avoir un goût salé, celui de ma propre salive. On me fit jeter mon biberon à cinq ans, dans le grand trou au fond du jardin, sous le saule « Parce que tu es grande à présent ! ». J'étais peut-être grande mais j'avais encore besoin de lui ! Je lui rendis ainsi visite tous les matins le cœur gros de le trouver recouvert d'un peu plus d'épluchures de légumes, d'os de poulet, de papier journal souillé, jusqu'au jour dramatique où je ne le vis plus du tout. L'amour toujours enterré. Mon enfance jalonnée par les pleurs de ma mère, par les "Ave Maria" les yeux mouillés en guise d'histoire du soir-espoir, les visites au cimetière toutes les semaines ou presque - je la soupçonne d'y être allée tous les jours, elle, mais de m'avoir épargné les rendez-vous quotidiens avec ma moitié pourrissant dans la terre -, je me souviens des bouquets de fleurs blancs qu'elle posait sur la dalle, de l'odeur de l'eau croupie pleine de mouches mortes noyées dans le vase et des lys fanés...

Comme si on pouvait ramener un peu de vie en ce lieu figé dans le temps à l'aide de quelques marguerites « un peu, beaucoup, plus du tout »...

Je me souviens du gravier entre mes petits pieds d'enfant, du crissement des cailloux sous les semelles, du parfum du cyprès gigantesque, de l'odeur de la résine sur les pierres chaudes, du souffle de ma mère qui s'arrête et me donne l'impression de ne plus jamais pouvoir redémarrer, de ses pleurs dans le mouchoir, de ma petite main dans la sienne serrée.

Depuis je déteste les arums et les marguerites.
Ça sent mauvais." 

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Extraits du roman "Une mère à boire" (page 71) roman initiatique autobiographique édité par les Editions Spinelle (c) tous droits de reproduction réservés

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